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Nos trois couleurs en crise...

 

Conséquence prévisible d'une fracture sociale, largement sous estimée pendant les précédents quinquennats, et engendrée par de véritables trahisons politiques (de la droite avec Jacques Chirac, mettant en œuvre une politique à l'opposé de ses promesses de campagne, à plus récemment François Hollande, qui fustigeait son "ennemi la finance"), la révolte des "Gilets Jaunes" que certains auraient aimé appeler révolution, suscite bien des interrogations mais aussi, et c'est heureux, de nombreux espoirs.

 

Émanant de la France profonde, une France que "les élites" au langage technocratique ne désiraient ni entendre ni voir, il faut reconnaître que d'une façon aussi soudaine qu'efficace, cette "France des territoires" se définissant elle-même comme "France des petites gens", a pris de court l'ensemble des syndicats et des partis politiques, qui ont passé leur temps à lui courir après, en faisant tournoyer le grand lasso de la récupération...

 

 

Il est peu rassurant pour l'avenir de constater que c'est l'extrême droite qui en premier a essayé de tirer son épingle du jeu en versant du jaune fluo dans du bleu marine, tandis que son ancien allié, lui, versait de la couleur canari dans les rotatives ! De plus, aux dernières nouvelles, nous apprenons qu'un certain Philippot, en prévision des élections européennes, vient de déposer la marque "Gilet Jaune"...

 

En se drapant de jaune, notre "patrie de la Liberté" n'a pu afficher qu'une expression mitigée du premier de ses principes. Car, si grâce à un web non censuré - n'en déplaise aux complotistes –, la liberté d'expression a pu permettre au peuple tricolore de crier son refus de l'injustice, il en a été tout autrement pour la liberté de manifester. Bien qu'inscrite dans la constitution, cette dernière a été bafouée, tant les entraves ont été nombreuses et la répression du pouvoir pour le moins musclée !

 

 

Les colères, au début admises du bout des lèvres par le pouvoir en place, puis maladroitement raillées, ont permis au bout du compte d'attiser les braises. En logique réaction à l'incompréhensive surdité de "l'homme du palais", le grognement est devenu cri, pour hurler à plein poumon sa démission. Enfin, la violence prévisible et orchestrée est arrivée...

 

On a vu alors les casseurs de tous bords en "gentils couillons", casser du "mauvais couillu". Et comme il est bien connu qu'en France depuis Brassens, "dès qu'il s'agit de rosser les cognes, tout le monde se réconcilie", les Français dans leur écrasante majorité n'ont pas désavoué l'affaire. Dans cette "joyeuse mêlée" de couleurs sociétales, où les verts ont été absents par manque de pneus à brûler, on a continué devant les caméras du monde entier, acte après acte, à frapper beaucoup plus que les trois coups.

 

Avec ou sans gilet, les "sans culottes" des temps modernes se sont donc déchaînés. Les jaunes, les rouges, les blancs et les noirs, tous unis ont essayé de donner, sans succès, une déculottée aux "bleus".

Bref, rien de neuf au royaume de France : ll faut que ça fume, que ça tape, que ça brûle, que ça saigne pour qu'au bout du compte, cela fasse de belles images, surtout lorsque l'audimat est international ! Car culture oblige et fidèles à leur réputation, "les Gaulois" qui ne sont pas des nordiques, portent en eux les racines de la violence imbécile...

N'est-ce pas eux, qui après avoir coupé la tête d'un roi ont été capables de suivre un empereur – excusez du peu – pour mettre la moitié de l'Europe à feu et à sang ?

 

 

À l'heure de la rigueur économique imposée par Bruxelles, qui voit notre dette risquer de dépasser les 100% de notre PIB, l'état se doit d'adopter des stratégies pour renflouer ses caisses. Ne pouvant évidemment pas tondre les œufs, ni plumer les exilés fiscaux (dans l'immédiat...), il faut bien exercer la pression fiscale là où elle peut s'exercer.

 

"Il faut plumer l'oie sans qu'elle s'en rende compte".

Cette expression ne sort pas tout droit du ministère de l'Agriculture, mais bien du ministère des Finances, qui a adapté à sa manière le bon sens paysan. Ce qui nous a valu des gestes "indolores" passés presque inaperçus.

C'est à l'aide de cet éclairage, que l'on comprend mieux dans quelles circonstances ont été décidées les nouvelles augmentations des taxes sur les produits pétroliers... avec l'écologie comme joli prétexte !

 

Et si devant sa webcam une certaine Jacqueline Mouraud, en Mme Tout le monde 2.0, affolée à l'idée de faire son prochain plein de gasoil ne s'était pas indignée avec sa célèbre phrase "mais où est passé le pognon ?", nous n'aurions peut-être pas vu se transformer les ronds points en arènes fluorescentes...

 

 

Selon Olivier Galland, sociologue, le mouvement des GJ serait en majorité représentatif des classes moyennes : "vraisemblablement, les personnes vivant sous le seuil de pauvreté ne sont pas les plus impliquées dans le mouvement".

 

 

C'est une autre vision du phénomène que nous donne à voir Florence Aubenas du journal Le Monde.

Partie au devant de celles et ceux qui ne sont pas "monté(e)s à Paris", elle s'est immergée pendant une semaine au sein de ronds points jaunes. Et ce sont des hommes, femmes, retraités, lycéens provenant de milieux à bas revenus qu'elle a rencontré, s'adonnant comme elle l'écrit, toutes et tous avec jubilation à l'addition des individualités. Toujours selon elle, la cahute est devenue le lieu où les masques tombent et la honte avec. Ici, "on ne défend pas tout le monde, on défend M. et Mme Tout-le-monde" !

 

 

En date du 4 décembre publié dans Le Monde, Edgar Morin (sociologue et philosophe) dissèque la crise au scalpel et la compare à une maladie systémique, générée par notre époque d'abondance, qui au passage, a perdu ses idéaux en même temps que ses valeurs.

- Extraits -

"La jaunisse est le signe d’une crise de foie" écrit-il. "Les "gilets jaunes" sont le signe d’une crise de foi. Crise de la foi dans l’état, dans les institutions, dans les partis, dans la démocratie, dans ce que les partis appellent le système tout en faisant partie du système".

 

 

Edgar Morin reprend : "La prise de conscience est de comprendre que l’obstacle majeur n’est pas dans le pouvoir du président et du Gouvernement, il est dans le pouvoir multiforme du profit qui a colonisé ce pouvoir."

 

 

Ironie du sort... Pendant que Paris retenait l'attention des médias, à 600km de là, Ford s'apprêtait à mettre au chômage 850 personnes en Gironde, apportant la triste preuve de notre impuissance collective.

Puisque le ministre des Finances, soutenu par les syndicats et l'ensemble des ouvriers du site n'ont pas réussi, à ce jour, à faire revenir sur sa décision la multinationale américaine. Géopolitique oblige : make America great again...

 

 

À celles et ceux que seraient choqués par cette image, nous voulons apporter une précision de taille : quand nous lâchons le guidon de nos montures, elles se dirigent instinctivement à gauche, et cela depuis toujours ...

Si vous souhaitez nous faire un procès d'intention, faîtes-le sur l'analyse que nous faisons de la rhétorique utilisée par les deux bords de nos extrêmes, qui depuis toujours tentent de nous vendre des rêves surannés, en nous servant un discours simpliste niant à l'envi l'extrême complexité du monde actuel.

 

 

Dans l'urgence d'une situation devenue critique, il aura fallu 13 minutes d'un discours peu pédagogique du président de la République tendu à l'extrême et ayant perdu de sa superbe, pour apprendre que l'on ne s'attaquait qu'aux symptômes de cette révolte et non à ses causes...

 

 

À ce jour, les 10 milliards débloqués pour essayer de ramener la paix sociale, vont faire passer à notre dette la barre symbolique des 100% du PIB. Certes, ce n'est pas dramatique en soi, à la seule condition que les taux d’intérêt restent à leur niveau actuel.

C'est donc un pari risqué sur l'avenir...

 

 

Largement conceptualisée par la majorité en place, la théorie du ruissellement qui a conduit entre autres à l'abandon de l'ISF, résonne pour beaucoup comme un déni de justice. Ce manquement à notre principe d'égalité est apparu comme le symbole fort d'un idéal auquel on a renoncé.

Dans une France où il est manifeste que les écarts sont marqués, cette mesure a été ressentie comme un affront de plus.

Pourtant, avec la libre circulation des hommes et des capitaux - c'est un fait -, il faut reconnaître que si notre président avait conclu son discours par "Mesdames, Messieurs les plus riches, à votre bon cœur, s'il vous plaît", il aurait associé un trait d'humour à un discours de vérité.

 

 

S'il y a un point positif à souligner dans cette période trouble, et qui devrait émerger des cahiers de doléances, c'est le regain d’intérêt des Français pour le débat politique. En étant de nouveau acteurs, ils semblent aujourd'hui se réapproprier le sens du bien commun.

 

Que ce soit sur les ronds points, les plateaux télé ou encore sur les réseaux sociaux, partout nous avons assisté à des éclosions d'idées comme autant de pistes à explorer, afin que notre démocratie, on l’espère, en sorte grandie.

 

Gageons alors, qu'à la veille des élections européennes, le vert, couleur commune à l'espérance et à l'écologie - absente malheureuse du débat - se reflète dans les votes de nos concitoyens pour y prendre sa revanche. Mais dans un pays où les SUV boostent les ventes des constructeurs automobiles, il va nous falloir rester vigilant...

 

 

Cette crise sociétale pose de nombreuses interrogations, sur ce qu'est devenue notre société et les enjeux futurs qui en découlent...

Que penser de ceux qui ne voient qu'à court terme ?

Ont-ils compris les nostalgiques "des Trente Glorieuses", que ces années là ont aussi été celles "des Trente Pollueuses" ?... La grande fête de l'innocence est terminée.

A croire que pour certains, il est encore nécessaire de rappeler que si le monde entier vivait comme les Français, il nous faudrait deux planètes de plus !

 

 

Si vous pensez que depuis l'homme des cavernes en passant par les philosophes Grecs, la mentalité de l'homme a progressé de façon positive en apprenant de son histoire : il n'est pas utile de continuer votre lecture !

 

Si par contre, vous partagez avec nous l'idée que malgré toutes ses avancées technologiques, sa mentalité n'a pas évolué depuis qu' Homère a écrit l'Iliade et l'Odyssée, nous sommes certains que vous abonderez dans nos conclusions et apprécierez notre démarche...

 

 

Si à une époque les banquets et autres festivités avaient lieu masqués des regards derrière les hauts murs des châteaux, les réseaux sociaux d'aujourd'hui permettent à plus de 4 milliards d'êtres humains d'avoir dans le fond de leur poche une fenêtre ouverte sur la richesse et l'abondance, que certains affichent, de plus, de façon ostentatoire.

Cette interconnexion planétaire, qui est une source de transparence mais aussi de frustrations, devrait sans doute, être utilisée avec plus de retenue par certains.

 

Dans un autre registre, source aussi d'indignations, citons les salaires exorbitants des PDG du CAC 40. Comme exemple, et en tête des rémunérations les plus folles, le PDG de Dassault Systèmes qui a gagné 24,6 millions d'euros en 2017, largement envié du fond de sa prison nippone par le "pauvre" Carlos Ghosn, qui lui n'a gagné que 13 millions. A ce sujet, rappelons qu'Henry Ford dans les années 1930, estimait que pour être "admissible", l’échelle des salaires au sein d’une entreprise ne devait pas dépasser 1 à 40. Pour rappel, la mégalomanie avérée de l'ex patron de Nissan l'a conduit à s'octroyer un salaire 867 fois plus élevé que le SMIC, ce qui correspond à la bagatelle de 43.000 euros/jour, week-end compris.

 

Comment ne pas comprendre la révolte des crèves-misère du 21ème siècle devant une telle démesure et une telle indécence !?

Une des revendications "jaune" serait l'instauration d'un salaire maximum plafonné à 15.000 euros. Mais

au delà de cette mesure qui ne sera pas simple à mettre en œuvre, n'est-il pas temps d'essayer de substituer d'autres valeurs à la valeur argent ?

Dans l'ère du tout info et du tout image, où chacun peut interagir comme acteur du changement, remplaçons les ridicules selfies "bling-bling", par des images de sobriété heureuse (chère à Pierre Rabhi), afin d’insuffler un nouveau mode de pensée !

 

 

Quand en pleine COP 24, le Gouvernement renonce à la taxation des carburants, nous devons nous souvenir d'une autre renonciation face aux "bonnets rouges" lors de la précédente mandature, qui nous fait affirmer que comme toujours, l'écologie reste une victime expiatoire !

 

 

"Nous, les enfants, devrions nous mettre en colère"

 

Qui va répondre à Greta Thunberg, cette militante écologiste suédoise d'à peine 15 ans, qui est intervenue à la tribune de la COP 24 et s'est adressée aux écoliers du monde entier en leur demandant de déserter les classes, afin d’inciter les politiques à prendre des mesures pour protéger la planète ?

Comment ne pas rougir de notre immobilisme, et être époustouflé devant cette démonstration de lucidité et de détermination venant d'une adolescente !?

 

 

"On a l'impression que rien ne va pouvoir réveiller l'apathie des gouvernements". Yannick Jadot

(eurodéputé tête de liste des écologistes à l'élection européenne de 2019).

 

À l'initiative d'artistes et de youtubeurs, cette pétition qui atteint aujourd'hui plus de 1,9 millions de signataires a déjà été considérée, par le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy, comme étant non pertinente...

 

 

"Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies". Emmanuel Macron.

 

Nous aussi, et des choix s'imposent !

 

Et si l'on en croit Jean-Marc Jancovici, ingénieur et polytechnicien : "le déni ne cessera pas avant de très gros ennuis car on a inventé un système de pensée qui n'est pas confrontable au réel".

 

Alors, si les politiciens ont un esprit formaté et encore la "bonne excuse" d'avoir les pieds et les mains liés par l'économie de marché, nous, pas...

Soyons réalistes. Ne pouvant pas nous attaquer de front au système capitaliste, il nous faut tenter de le transformer de l'intérieur. Son rouage étant le monde de l'entreprise, les changements sociétaux doivent passer par l'économie. Une SCOP, par un écart salarial limité (de 1 à 4) et son mode de gouvernance démocratique représente les graines d'optimisme d'un avenir économique différent.

 

Alors, sans aucune intention de devenir des donneurs de leçons afin d'éviter la fin du monde, nous désirons juste être des "montreurs d'exemples" d'un futur possible...

 

Vélocipédiquement vôtre,

 

L'équipe BPF

PS : ce post symbolisant la "pierre angulaire" du projet BPF, nous nous permettrons de le compléter dans le temps.

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Onurb le casse burne (jeudi, 03 janvier 2019 15:27)

    Montreurs d'exemples ok, la philanthropie ok mais peut être que l'action la plus appropriée serait l'action intimiste, de s'interroger sois-même sur notre sagesse intérieure, tant le problème est immense et global...
    Si au bout du chemin c'est la violence qui l'emportera, Cyril Dion à qui on demande quelle est l'origine du problème répond par une réponse étonnante: "Peut être est-ce parceque nous avons peur de mourir". La réponse est-elle dans la spiritualité?

    (remarque d'un 100% athée)